Vers une taxation en France des plus-values réalisées par des résidents belges sur les titres de SCI ?

Analyse de Me Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés
2 juillet 2020 par
Emilie Clément

Mauvaise nouvelle pour les belges propriétaires de titres de sociétés à prépondérance immobilière française (« SPI »). Le Conseil d’État français vient de consacrer le principe de taxation en France de la plus-value réalisée par des non-résidents lors de la vente de titres de SPI et ce, qu’importe la forme sociale, le siège social ou le régime fiscal de leur SPI (arrêt du 24 février 2020).

RÉTROACTIVITÉ

L’administration fiscale française pourrait tenter de s’appuyer sur cette décision pour « retoquer » les plus-values réalisées par des non-résidents sur leurs titres de SPI depuis 2017. Dans ce cas, des intérêts de retard, des majorations d’impôt susceptibles d’atteindre jusqu’à 80 % et des poursuites pénales seront éventuellement dus.

EFFETS COLLATÉRAUX

Cette nouvelle décision pourrait également avoir des répercussions lorsqu’un résident belge hérite de titres d’une SPI. Il n’est pas exclu que le fisc français tente également ici de prélever des droits de mutation à titre gratuit français, en s’appuyant sur cette nouvelle décision.

CRITIQUES

La décision du Conseil d’État français parait contestable pour plusieurs motifs. Parmi ceux-ci :

  • Violation du principe de primauté du droit international sur le droit interne, consacré par la constitution française ;

  • Violation du principe d’interprétation de la notion de « bien immobilier » au sens de la convention sur base du droit civil et non du droit fiscal (comme l’a fait le Conseil d’État) ;

  • Divergence entre la jurisprudence du Conseil d’État français et celle de la Cour de cassation française en la matière ;

  • Etc.

Il n’est pas exclu qu’un revirement de jurisprudence intervienne prochainement et/ou que la portée de cette décision du Conseil d’État soit relativisée, compte tenu de la levée de boucliers attendue de la part des praticiens franco-belges.

NOUVEAU TRAITÉ FISCAL FRANCO-BELGE

Si cette nouvelle jurisprudence du Conseil d’État français semble contraire au traité fiscal franco-belge de 1964, elle ne le sera plus à l’avenir puisque ce traité a été renégocié par la France et la Belgique et qu’une des nouveautés concerne justement la taxation des plus-values sur titres de SPI. Sur base du nouveau traité, la France disposera à l’avenir du droit de taxer les plus-values réalisées par un résident belge lors de la vente de sa participation dans une SPI. Le nouveau traité n’entrera toutefois en vigueur au plus tôt que le 1er janvier 2021.