Rémunération variable : le droit à des commissions peut être discrétionnaire

Source: Article AGEFI septembre 2020
30 septembre 2020 par
vanessa Icardi Serrami

La Cour d’appel a récemment considéré que la rémunération variable peut être librement modifiée ou supprimée par l’employeur dès lors qu’elle ne constitue pas nécessairement un élément essentiel du contrat de travail.

Les faits concernent un salarié dont le contrat de travail ne prévoyait aucune rémunération variable. Néanmoins, depuis 2006, une rémunération variable lui était octroyée au titre des différents plans individuels qu’il signait dans le cadre d’un plan général de commissionnement.

En 2009, ledit salarié a été exclu du plan général de commissionnement par son employeur. Cette décision a eu pour conséquence une diminution de sa rémunération de plusieurs milliers d’euros par an en moyenne.

Il saisit finalement le Tribunal du travail en 2016 pour obtenir le paiement des commissions auxquelles il aurait, selon lui, eu droit s’il n’avait pas été exclu dudit plan entre 2014 et 2016 1 .2

En bénéficiant d’un plan de commissionnement pendant plusieurs années, le salarié estimait que sa participation audit plan faisait partie intégrante de son contrat de travail. Ainsi, il soutenait que la décision de son employeur de l’exclure du plan de commissionnement devait s’analyser en une modification unilatérale de son contrat de travail. L’employeur n’ayant pas respecté la procédure spécifique en la matière, le salarié prétendait que la modification était nulle et qu’il aurait dû bénéficier des plans de commissionnement successifs jusqu’à ce jour.

1. Une modification de la rémunération très encadrée

A titre de rappel, la rémunération est considérée comme un élément essentiel du contrat de travail. Ainsi, toute modification en défaveur du salarié suppose son accord. A défaut d’accord, l’employeur peut choisir d’imposer une telle modification unilatéralement en respectant la procédure prévue par l’article L.121-7 du Code du Travail.

En effet, cet article prévoit une procédure similaire à celle du licenciement en cas de modification unilatérale d’une clause essentielle du contrat de travail en défaveur du salarié, à savoir en principe : un entretien préalable à la révision du contrat de travail 3 , une notification de la modification dans les formes et délais légaux requis en matière de licenciement 4 .

Une modification unilatérale du contrat de travail ne respectant pas cette procédure est nulle, ce qui présuppose la continuation des relations de travail aux conditions initiales 5 .

En outre, l’employeur devra être en mesure de justifier cette modification par des motifs réels et sérieux en cas de demande de motifs du salarié. En effet, le salarié qui démissionne suite à son refus de la modification peut obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif en l’absence de motifs suffisamment précis et réels à l’origine de la modification.

Toutefois, les dispositions de l’article L.121-7 du Code du Travail ne s’appliquent pas aux simples mesures relevant du pouvoir de direction de l’employeur et dans le cas où la possibilité de modifier le contrat de travail est prévue par ce dernier 6 .

En l’espèce, les juridictions ont donc cherché à déterminer si les revenus tirés de la participation à un plan de commissionnement constituaient un élément définitif de salaire afin de déterminer si la procédure de modification énoncée ci-dessus aurait dû être appliquée.

2. Un droit de participation au plan de commissionnement discrétionnaire

Les juges de première instance et la Cour d’appel ont rejeté la demande du salarié car l’admission au plan de commissionnement ainsi que les conditions et les objectifs de celui-ci dépendaient uniquement du pouvoir discrétionnaire de l’employeur et ce, pour trois raisons tirées de l’analyse des documents contractuels.

Premièrement, le contrat de travail ne prévoyait pas un droit à une rémunération variable et ne faisait ni référence au plan général de commissionnement ni aux plans individuels de commissionnement.

Deuxièmement, les plans individuels de commissionnement définissant le contenu et les objectifs du plan général de commissionnement propres au salarié, nécessitaient l’accord de ce dernier et donc sa signature pour être appliqués. En outre, les plans individuels de commissionnement étaient toujours conclus pour une durée déterminée (6 mois ou 1 an) et excluaient expressément l’hypothèse d’un droit au maintien du salarié dans ledit plan pour les périodes suivantes.

Enfin, la participation du salarié à un plan de commissionnement ne pouvait pas non plus être considérée comme « un droit acquis par l’usage » selon les juridictions.

En effet, un avantage est considéré comme un usage lorsqu’il est général, constant et fixe.

Or en l’espèce, les juridictions ont considéré que les plans individuels et le plan général de commissionnement étaient dépourvus de constance et de fixité car variables, temporaires et conditionnés par l’accord du salarié.

En conséquence, la partie variable de la rémunération du salarié qui dépendait exclusivement de sa participation au plan de commissionnement ne pouvait être considérée comme un élément définitif du salaire. L’employeur souhaitant modifier ou supprimer cet élément de rémunération n’était donc pas tenu de respecter la procédure de l’article L.121-7 du Code du Travail.

En outre, sa participation au plan de commissionnement ne constituant pas un droit acquis, le salarié ne pouvait pas non plus invoquer la perte d’une chance de participer au plan de commissionnement depuis 2009 pour demander la réparation de son préjudice. En effet, s’il a bien été privé d’une « probabilité raisonnable » de survenance d’un évènement favorable, ce dernier pouvait être valablement supprimé ou modifié par l’employeur.

La Cour d’appel confirme ainsi qu’un plan de commissionnement peut constituer une rémunération variable discrétionnaire tant en ce qui concerne les objectifs et les règles qui en sont issues, que l’éligibilité du salarié.

Ces décisions viennent rappeler à chaque employeur l’importance de la rédaction des clauses relatives aux différentes composantes de la rémunération d’un salarié et ainsi définir avec exactitude la portée de ses engagements.

Me Christophe DOMINGOS, Avocat à la Cour, Partner, CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg


1 Cour d’appel, 23 avril 2020, n° CAL-2018-00064 du rôle.

2 La prescription étant de trois ans en matière salariale, les commissions pour les années antérieures à 2014 étaient prescrites au moment du dépôt de la requête devant le Tribunal du travail. 

3 L’entretien préalable est obligatoire à compter de 150 salariés sauf dispositions conventionnelles particulières.

4 A savoir : l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou la remise d’une lettre en mains propres contre récépissé ainsi que le respect d’un délai de préavis (une modification avec effet immédiat est possible si l’employeur se prévaut d’un « motif grave »).

5 Cour d’appel, 23 novembre 2006, n° 30433 du rôle.

6 Cour d’appel, 7 novembre 2013, n° 38635 du rôle.