Rappels quant à la diligence attendue de l’employeur

Source: Paperjam
12 octobre 2020 par
vanessa Icardi Serrami

La Cour d’appel vient rappeler aux employeurs la nécessité d’être diligents dans l’exécution du contrat de travail et concernant ses modalités de fin, sous peine de voir le salarié revendiquer le paiement de certaines indemnités à la fin du contrat de travail, telles qu’une indemnité compensatoire pour congé non pris liée à un jour férié ou une indemnité de départ.

Paiement d’une indemnité compensatoire de congé non pris liée à un jour férié tombant un jour pendant lequel le salarié n’aurait pas travaillé ou un dimanche

À titre de rappel, lorsqu’un jour férié tombe:

- un dimanche: le salarié 1 a droit à un jour de congé compensatoire à prendre dans un délai de 3 mois. Le Code du travail précise que ce jour doit être pris en nature, et ne peut pas faire l’objet d’une compensation financière.

- un jour de semaine pendant lequel le salarié 2 n’aurait pas travaillé, conformément aux dispositions du contrat de travail (par exemple, un samedi): le salarié a en principe droit à un jour de congé compensatoire à prendre dans un délai de 3 mois (certaines exceptions peuvent s’appliquer).

Les jours de congé compensatoire qui n’ont pas été récupérés par le salarié dans le délai de 3 mois (y compris avant la fin du préavis), sont-ils automatiquement perdus à l’issue de la fin de la relation de travail?

Dans l’affaire en question, le salarié avait été licencié le 25 juin 2015, avec un préavis qui expirait le 31 août 2015. Il demandait le paiement d’une indemnité compensatoire de congé, au titre des jours fériés du 1er novembre 2014 et du 15 août 2015 qui étaient tombés un samedi, et qu’il n’avait pas récupérés.

Dans cette situation, le Tribunal du travail a considéré que le paiement de l’indemnité n’était pas dû, au motif que le salarié n’avait jamais fait de demande pour bénéficier de ces deux jours auprès de l’employeur.

La Cour d’appel quant à elle statue en sens contraire. Elle énonce ainsi que: «c’est l’employeur qui est tenu de veiller à ce que le salarié prenne le jour de compensation durant le délai légal de trois mois et non au salarié d’en faire la demande, l’employeur ayant une obligation de veiller au respect du droit du salarié aux congés légaux.»

Elle en conclut que, si l’employeur n’a pas respecté cette obligation, «le salarié qui n’a pas pris un jour de congé compensatoire à la fin de son contrat de travail et dont les jours fériés n’ont pas donné lieu à rémunération, a droit à une indemnité qui compense le jour de congé.»

Aussi, le seul fait pour le salarié de ne pas avoir demandé à bénéficier des jours de congé compensatoire pendant la relation de travail n’entraînera pas automatiquement la perte du droit aux jours en question, et pourra donner lieu au paiement d’une indemnité.

Il est d’ailleurs à noter que la Cour d’appel avait adopté le même raisonnement pour les jours de congé compensatoire dus en cas de jour férié tombant un dimanche, non pris à la fin du contrat de travail 3 .

En mettant à la charge de l’employeur l’obligation de veiller à ce que le salarié prenne son jour de congé compensatoire, la Cour d’appel se place dans le sillon de la jurisprudence européenne en matière de congé annuel payé.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 6 novembre 2018 4 , avait en effet jugé qu’il appartenait à l’employeur de mettre effectivement le salarié en mesure d’exercer son droit au congé annuel.

Si la Cour d’appel fait l’économie de préciser comment l’employeur doit concrètement «veiller à ce que le salarié prenne le jour de compensation durant le délai légal», la CJUE avait précisé dans l’arrêt précité que l’employeur devait veiller à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l’incitant, au besoin formellement, à prendre ses congés, tout en l’informant, de manière précise et en temps utile, que si les congés ne sont pas pris, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou de la période de report autorisée.

Par analogie, il peut donc être opportun de se référer aux indications données par la CJUE dans la situation des jours de repos compensatoire liés à un jour férié. L’employeur pourrait ainsi notifier par écrit au salarié le premier jour ouvré suivant la survenance du jour férié la nécessité de prendre ce jour dans le délai légal imparti (à préciser), en indiquant, qu’à défaut, le droit au jour en question serait perdu.

Paiement d’une indemnité de départ dans le cas des employeurs de moins de 20 salariés

Le salarié qui bénéficie d’une ancienneté supérieure à 5 ans a droit au paiement d’une indemnité de départ en cas de licenciement avec préavis.

Cependant, pour les employeurs de moins de 20 salariés, le Code du travail offre la possibilité de prolonger la durée du préavis du salarié licencié, plutôt que de lui verser une telle indemnité.

La Cour rappelle à cet égard que, pour pouvoir bénéficier du droit de «convertir» l’indemnité de départ en prolongation du préavis, l’employeur doit l’indiquer clairement dans la lettre de licenciement.

Elle précise que l’employeur «ne peut partant pas se contenter de prolonger le délai de préavis tout en espérant que le salarié comprenne qu’il a fait application de l’article précité, option qui prive en fait concrètement ce dernier du paiement d’une indemnité de départ conséquente.»

La Cour se rallie également à la position du Tribunal qui avait considéré que:

- il ne résultait ni de la lettre de licenciement, ni d’ailleurs d’aucun autre élément du dossier, que l’employeur aurait fait usage de l’option qui lui était offerte;

- l’employeur n’ayant pas prouvé que la prolongation du préavis était le résultat de cette option, la salariée pouvait prétendre au paiement d’une indemnité de départ.

Aussi, les employeurs de moins de 20 salariés qui souhaiteraient opter pour une prolongation du préavis en remplacement du paiement de l’indemnité de départ devront veiller à être explicites à cet égard, notamment dans la lettre de licenciement.

Cour d’appel, 28 mai 2020, n°CAL-2019-00232

Cour d’appel, 23 avril 2020, n°CAL-2019-00944

Écrit par Cindy Toilier, Avocat, Associate, CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg


1 Des dispositions particulières s’appliquent pour les salariés occupés dans les entreprises à caractère saisonnier.

2 Des dispositions particulières s’appliquent pour les salariés occupés dans les entreprises à caractère saisonnier.

3 Cour d’appel, 25 juin 2015, n°42033

4 Cour de justice de l’Union européenne, 6 novembre 2018, n°C-684/16