Pacta sunt servanda ou le risque de devenir victime de sa propre loi

Source : DSM AVOCATS A LA COUR
3 avril 2023 par
Legitech, LexNow

Les difficultés du contexte économique actuel n’auront échappé à personne, et certainement pas aux professionnels de l’immobilier. Les prix des matériaux augmentent considérablement, leurs délais de livraison s’allongent, les pénuries tant réelles qu’artificielles sont légion… et avec cela les conditions d’exécution des contrats se compliquent.

Nombreuses sont les sociétés qui viennent de découvrir qu’aussi difficile l’exécution d’un contrat puisse devenir en matière de marchés privés,[1] par principe la loi ne leur permet pas d’imposer une renégociation à leurs co-contractants, et ce quelle que soit l’importance du bouleversement économique rencontré. De même, un tel bouleversement n’autorise en principe pas une résiliation du contrat.

Pacta sunt servanda, ou pour utiliser la formule de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Il est également erroné de penser qu’un juge pourra en cas de telles difficultés d’exécution d’une convention intervenir afin d’en adapter les termes et d’assurer un équilibre économique du contrat. Une telle interférence porterait atteinte au principe de la liberté contractuelle et n’est dès lors pas possible en l’état actuel du droit luxembourgeois et de la jurisprudence en découlant.

Il est toutefois primordial de rappeler que les parties restent libres d’aménager dans le cadre de leur contrat une faculté de renégociation voire de révision des conditions y fixées. De telles clauses auront alors également valeur de loi entre les parties.

Si l’intérêt de ces clauses organisant les cas d’« imprévision » semble tout à fait évident, ces dernières restent toutefois rares en pratique, ou parfois mal rédigées. Leur portée exacte n’est pas non plus toujours bien appréhendée.

En effet, il ne faut pas oublier que les clauses ne prévoyant qu’une obligation « générale » de renégociation ne garantissent nullement que de telles renégociations aboutissent.

En principe, si le co-contractant est obligé de se présenter à la table de négociations, rien ne le contraint à nécessairement accepter les conditions qui arrangeraient la partie qui se sent lésée par le bouleversement économique.

La clause de pure renégociation n’est donc pas une solution miracle.

Il peut donc être intéressant de coupler celle-ci avec une clause de révision automatique des prix en cas de changement de circonstances, tel que l’application d’un index.

Cela étant, il est conseillé de veiller à ce que la clause soit suffisamment claire et ne prête pas à interprétation ou controverse.

Il faut en effet se souvenir qu’une procédure judiciaire prend en général des années avant d’être définitivement tranchée, de sorte qu’il est crucial de soigner en amont la rédaction de la « loi des parties ».

Par Me Vanessa LOMORO.

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[1] Le présent article ne traite pas des marchés publics.