L’impact de la crise sanitaire sur la protection du salarié en congé de maladie

Par Muriel Piquard, Director et Emmannuelle Ost, Associate, Wildgen
31 décembre 2020 par
vanessa Icardi Serrami

À titre préliminaire : Le droit au maintien de son salaire

En principe, l’employeur doit maintenir le salaire intégral du salarié en incapacité de travail jusqu’à la fin du mois calendrier durant lequel se situe le 77e jour de maladie pendant une période de référence de dix-huit (18) mois successifs, sous réserve de la prise en charge de 80% du salaire par la Mutualité des employeurs. Après expiration de ce délai, la Caisse Nationale de Santé (CNS) prend en charge la rémunération du salarié en arrêt de maladie.

Or, le droit du salarié à sa rémunération pendant son congé de maladie ne saurait être éternel et est limité à une période de soixante-dix-huit (78) semaines sur une période de référence de cent-quatre (104) semaines, à l’expiration de laquelle le contrat de travail cesse de plein droit.

Pendant la crise sanitaire relative à la propagation du COVID-19 et suivant règlement grand-ducal du 3 avril 2020 1, les règles applicables en la matière ont été allégées en faveur du salarié et à titre de soutien aux entreprises.

Ainsi, les périodes d’incapacité de travail personnelle se situant entre le 18 mars 2020, date de la constatation de l’état de crise, et le 24 juin 2020, date de la fin de l’état de crise, ne sont pas mises en compte pour le calcul des soixante-dix-huit (78) semaines.

Par ailleurs et en vertu du même règlement, l’assurance maladie-maternité a directement pris en charge les jours d’incapacité de travail pendant la période du 1er avril 2020 (premier jour du mois ayant suivi la constatation de l’état de crise) au 30 juin 2020 (fin du mois calendrier au cours duquel a pris fin cet état de crise), en tenant compte de l’augmentation des périodes d’incapacité de travail personnelle constituant une charge financière supplémentaire importante pour les employeurs concernés.

La protection contre le licenciement, y compris, le cas échéant, pour motif grave

En principe, aux termes de l’article L. 121-6 du Code du travail, le salarie doit: (i) informer son employeur de son absence pour cause de maladie dès le premier jour de son absence et (ii) avoir soumis à son employeur son certificat de maladie au plus tard le 3e jour calendrier de son absence. En cas de prolongation de la maladie après expiration du congé de maladie, le salarié doit à nouveau satisfaire à ces deux obligations.

Le salarié ayant rempli ces obligations est protégé contre tout type de licenciement, que ce soit un licenciement avec préavis ou un licenciement avec effet immédiat.

Or, cette protection contre le licenciement est limitée à une période de vingt-six (26) semaines continues de maladie, à l’expiration de laquelle l’employeur retrouve à nouveau son droit de licencier, à condition d’avoir des motifs valables et de respecter les formalités et conditions de la procédure de licenciement ordinaire.

En application d’un règlement grand-ducal modifié du 8 avril 2020 2, le délai de protection du salarié contre le licenciement du fait de sa maladie fixé à vingt-six (26) semaines, tel que prévu à l’article L.121-6 du Code du travail, a été suspendu pendant la durée de l’état de crise.

Par ailleurs, en vertu du même règlement et pendant la période de suspension, l’employeur, dûment averti de l’incapacité de travail pour cause de maladie le premier jour de l’empêchement du salarié et en possession du certificat de maladie le 3e jour de son absence, n’était pas autorisé à licencier ce salarié, sauf pour motif grave, malgré expiration du délai de protection. Ainsi, le salarié en congé maladie, dont la période de protection de vingt-six (26) semaines venait à échéance pendant l’état de crise, ne pouvait se faire licencier que pour motif grave et avec effet immédiat, le licenciement avec préavis d’un salarié en arrêt de maladie continue demeurant impossible pendant la période de crise.

En vertu du règlement grand-ducal du 17 avril 2020 3 et tel que confirmé par la loi du 20 juin 2020 4, ce délai de protection a repris son cours le lendemain de la fin de la crise, soit le 25 juin 2020. Aux termes de cette même loi, le salarié en congé de maladie ayant pris court avant ou pendant l’état de crise, qui a dûment averti son employeur de la prolongation de sa maladie le 1er jour suivant l’expiration du délai de protection initial de vingt-six (26) semaines, continue à être protégé contre tout licenciement avec préavis.

Il en résulte qu’après vingt-six (26) semaines de maladie continue, l’employeur ne retrouve plus son droit de mettre un terme au contrat de travail d’un salarié en congé de maladie continue par un licenciement avec préavis. En d’autres termes, le salarié en incapacité de travail continue, ayant débuté avant ou pendant l’état de crise, échappe au moins partiellement à cette limite dans la durée de protection fixée à vingt-six (26) semaines et l’employeur n’a aucun moyen de mettre un terme au contrat de travail d’un tel salarié, sauf licenciement pour faute grave.

L’employeur doit dès lors attendre l’expiration du délai de soixante-dix-huit (78) semaines de maladie sur une période de référence de cent-quatre (104) semaines pour que le contrat cesse de plein droit par l’épuisement des droits du salarié à l’indemnité pécuniaire de maladie.

A cet égard et de manière générale, il y a lieu de souligner que la protection additionnelle octroyée au salarié par le contexte très particulier de la crise sanitaire se limite dès lors à la protection contre un licenciement avec préavis.

Une loi du 19 décembre 2020 portant modification temporaire de l'article L. 121-6 du Code du travail est entrée en vigueur le 21 décembre 2020 et est applicable jusqu'au 30 juin 2021 inclus. Cette loi a été votée dans le contexte très particulier de la forte augmentation des infections au COVID-19 ces dernières semaines et au risque d’une délivrance tardive de l’ordonnance de mise en isolement ou de mise en quarantaine, susceptible de servir de certificat d’incapacité de travail que doit soumettre un salarié, incapable de se rendre à son lieu de travail, au plus tard le 3e jour de son absence.

Cette loi a notamment pour objet de garantir au salarié, visé par une telle ordonnance de mise en isolement ou de mise en quarantaine, la protection contre le licenciement, telle que prévue à l’article L.121-6 du Code du travail, en cas de délivrance tardive de l’ordonnance en question.

Ainsi ladite loi prévoit que le salarié incapable de travailler pour cause de mise en quarantaine ou de mise en isolement est obligé (i) le jour même de l’empêchement, d’en avertir personnellement ou par personne interposée l’employeur ou le représentant de celui-ci et (ii) de soumettre à l'employeur, au plus tard le huitième jour de son absence, une ordonnance officielle de mise en quarantaine ou de mise en isolement émanant de l’autorité nationale compétente et servant de certificat d'incapacité de travail.

Ainsi, l’employeur ne peut pas licencier, même pour motif grave, un salarié, l’ayant averti de sa mise en quarantaine ou isolement le 1er jour de son absence, pendant les huit (8) premiers jours de son absence, ce dans l’attente de réceptionner l’ordonnance officielle de mise en quarantaine ou de mise en isolement. A condition d’avoir transmis cette ordonnance à l’employeur endéans le délai imparti, le salarié continue à bénéficier de la protection du licenciement pendant toute son absence.

Dans ce contexte, il est intéressant de noter que l’ordonnance indique la nature et les motifs de la mise en quarantaine ou en isolement, sa durée, ses modalités d’application et les voies de recours. En vertu de la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 5, une mise en quarantaine ou en isolement peut être ordonnée contre toute personne qui présente un risque élevé de propagation du virus COVID-19 sur base de raisons d’ordre médical ou factuel. Ainsi, une personne non infectée peut être visée par une telle mesure, bénéficiant le cas échéant d’une autorisation de sortie lui permettant de se rendre à son lieu de travail et poursuivre son activité professionnelle. Il en résulte qu’une mise en quarantaine ou en isolement n’est pas synonyme d’incapacité de travail. Aux termes de la loi du 29 octobre 2020 portant modification de la loi précitée du 17 juillet 2020, seule une personne concernée par une mesure d’isolement ou de mise en quarantaine qui ne bénéficie pas d’une autorisation de sortie lui permettant de poursuivre son activité professionnelle peut, en cas de besoin, se voir délivrer un certificat d’incapacité de travail 6. A cet égard, il y a lieu de souligner que les salariés ayant la possibilité d’effectuer du télétravail sont tout à fait en mesure de poursuivre leur activité professionnelle sans pour autant bénéficier d’une autorisation de sortie.

Il est important de noter que cette loi déroge aux dispositions du Code du travail non seulement par l’octroi d’un délai plus long accordé au salarié pour soumettre son certificat de maladie à son employeur, mais également la nature du document à soumettre pour justifier l’incapacité de travail.

Ainsi, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure une ordonnance locale ou étrangère de mise en quarantaine ou de mise en isolation peut certifier une incapacité de travail immédiate ou dans le temps, en considération (i) des différentes modalités d’application d’une telle ordonnance, (ii) des voies de recours possibles, dont les effets sur la validité de l’ordonnance peuvent varier au cas par cas et surtout d’un pays à l’autre, et enfin (iii) des possibilités de télétravail effectué ou à effectuer par le salarié mis en quarantaine ou en isolation.

L’employeur peut dès lors se retrouver dans l’incertitude jusqu’à huit (8) jours d’absence du salarié à son lieu de travail avant de disposer de l’ordonnance indiquant les modalités d’application, telle qu’une autorisation de sortie, qui peut servir ou non de certificat d’incapacité de travail.

Au vu du fait que ce document, à savoir l’ordonnance de mise en quarantaine ou de mise en isolation, émise par une autorité nationale ou étrangère, peut prendre diverses formes et prévoir des modalités d’application différentes, une bonne communication entre l’employeur et le salarié est ainsi de mise dès le premier jour d’absence du salarié pour éviter tout malentendu ou désaccord sur la cause réelle de l’absence du salarié de son lieu de travail et une prétendue incapacité de travail et pour envisager ensemble l’option du télétravail pendant la période de la mise en quarantaine ou mise en isolement.


1. Règlement grand-ducal du 3 avril 2020 portant dérogation aux dispositions des articles 11, alinéa 2, 12, alinéa 3, 14, alinéa 2 et 428, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale et L. 121-6, paragraphe 3 du Code du travail, Mémorial A238.

2. Règlement grand-ducal du 8 avril 2020 portant dérogation à l’article L. 121-6 du Code du travail

3. Règlement grand-ducal du 17 avril 2020 portant modification du règlement grand-ducal du 8 avril 2020 portant dérogation à l’article L. 121-6 du Code du travail.

4. Loi du 20 juin 2020 portant :

- dérogation temporaire à certaines dispositions en matière de droit du travail en relation avec l’état de crise lié au Covid-19,

- modification du Code du travail. Mémorial A541.

5. Loi du 17 juillet 2020 portant introduction d’une série de mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 et modifiant :

- la loi modifiée du 25 novembre 1975 concernant la délivrance au public des médicaments,

- la loi modifiée du 11 avril 1983 portant réglementation de la mise sur le marché et de la publicité des médicaments. Mémorial A624.

6. Article 7 (3) de la loi du 29 octobre modifiant :

- la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie du Covid-19,

- la loi du 8 mars 2018 relative aux établissements hospitaliers et à la planification hospitalière,

- la loi du 23 septembre 2020 portant des mesures concernant la tenue de réunions dans les sociétés et dans les autres personnes morales.