LE DROIT DE PREEMPTION « PACTE LOGEMENT » : EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE

15 juillet 2021 par
vanessa Icardi Serrami

La loi du 22 octobre 2008 dite « Pacte Logement », telle que modifiée par la loi du 3 mars 2017 (dite « Loi Omnibus »), ouvre, sous certaines conditions, des droits de préemption au profit des communes et / ou du Fonds du Logement.

Ainsi, avant de pouvoir passer un acte de vente, le notaire doit vérifier l’existence d’un tel droit de préemption, et dans l’affirmative notifier l’intention de vente et ses conditions au(x) bénéficiaire(s) du droit de préemption.

En cas d’exercice de ce droit par le pouvoir préemptant, l’acte authentique devra être dressé dans les trois mois, le pouvoir préemptant pouvant poursuivre en justice l’exécution forcée de l’acquisition ou la condamnation du propriétaire cédant au paiement de dommages et intérêts.

Le droit de préemption ne peut être exercé qu’en vue de la réalisation de logements visés par les dispositions de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, ou en vue de la réalisation de travaux de voirie et d’équipements publics ou encore visant à ériger des équipements collectifs conformément à la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Cela étant dit, dans trois décisions récentes, les juridictions administratives ont eu l’opportunité d’apporter quelques éclaircissements notables en ce qui relève les modalités d’exercice du droit de préemption.

Ainsi, le tribunal administratif avait décidé par jugement du 22 juillet 2020, n°42595 du rôle que le pouvoir préemptant doit « expliquer la finalité de l’exercice du droit de préemption, qui non seulement doit correspondre à l’une des finalités énumérées à l’article 3 de la loi Pacte logement, mais qui doit encore correspondre à un projet concret ou du moins en voie de concrétisation, les explications fournies ne pouvant en tout cas pas se limiter à des considérations abstraites et hypothétiques ».

Cette décision a été confirmée en appel par la Cour administrative, qui a cependant nuancé les obligations à charge du pouvoir préemptant en estimant qu’il suffira que celui-ci indique avec précision l’affectation qui va devoir être donnée à l’immeuble préempté. La Cour a aussi précisé que cette affectation devra correspondre aux objectifs poursuivis par la loi Pacte Logement, être indiquée dès la notification au notaire de la décision d’exercice du droit de préemption, et être ensuite réalisée « dans les meilleurs délais possibles, compte tenu des circonstances du cas d’espèce » (Arrêt du 5 janvier 2021, numéro 44939C du rôle).

Dans une autre décision, le Tribunal administratif a confirmé que « l’objectif en vue duquel le droit de préemption est exercé doit se cristalliser au moment de l’exercice de ce droit et ne saurait être fourni ex post ». Il a par ailleurs suivi la Cour administrative en indiquant qu’il ne suffira pas pour le pouvoir préemptant de fournir des indications vagues sur la destination de l’immeuble, de se référer à une réalisation potentielle de l’un des objectifs énumérés par la loi, ou de se référer de manière générale à l’ensemble des objectifs potentiels envisagés par l’article 3 de la loi Pacte Logement (Jugement du 3 mars 2021, n°43 352 du rôle).

En guise de conclusion, on peut saluer les précisions apportées par les juges, dont les décisions récentes n’ont pas manqué de garantir un certain équilibre, entre d’une part, le respect du droit de propriété, et de l’autre part, l’action publique et l’exercice du droit de préemption.

Par Me Mario DI STEFANO, Managing Partner de l’étude DSM Avocats à la Cour.