Droit du travail : à quoi doivent s’attendre les employeurs en 2020 ?

Etude CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg
17 février 2020 par
vanessa Icardi Serrami

En 2019, le droit du travail a été marqué par plusieurs changements notables dont notamment : l’augmentation du congé payé légal minimum de 25 à 26 jours par année et la déclaration de la journée de l’Europe célébrée le 9 mai comme jour férié légal, l’introduction d’un compte épargne-temps pour les salariés du secteur privé, la réforme de la formation professionnelle, ou encore l’augmentation du salaire social minimum.

L’actualité législative de cette nouvelle année s’annonce également riche, l’occasion de brièvement faire le point sur les principaux projets et propositions de loi en cours.

1. Modification du droit au congé pour raisons familiales :

1) La Proposition de loi n°7436 1 prévoit d’étendre le cercle des bénéficiaires du congé pour raisons familiales aux grands-parents.

2) Actuellement, le Code du travail prévoit que les salariés, ayant à charge un enfant âgé de 13 ans accomplis à 18 ans accomplis ne peuvent prétendre au congé pour raisons familiales en cas de maladie de l’enfant, que si ce dernier est hospitalisé. Le Projet de loi n°7489 2 entend poser une exception à cette condition d’hospitalisation lorsque l’enfant, âgé de 13 ans accomplis :

  • bénéficie de l’allocation spéciale supplémentaire au sens de l’article 274 du Code de la Sécurité sociale ; ou

  • est atteint d’une maladie ou d’une déficience d’une gravité exceptionnelle, telles que définies par le Règlement grand-ducal visé à l’article L. 234-52 du Code du travail, attestée par le médecin traitant de l’enfant.

Ainsi, dans ces deux cas de figure, le parent salarié pourrait prétendre à ces jours de congé pour raisons familiales et ce même si son enfant n’est pas hospitalisé.

En outre, le Projet de loi permettrait aux deux parents de prendre le congé pour raisons familiales en même temps, dans les deux cas visés ci-dessus.

2. Flexibilisation et extension du congé parental :

La Proposition de loi n°7434 3 entend d’une part, rendre plus flexible les dispositions relatives au congé parental et d’autre part étendre l’octroi du congé parental aux grands-parents.

Le but principal de la Proposition est de fixer une durée maximale de jours à prendre par chaque parent au titre du congé parental, à savoir six mois en cas d’occupation à temps plein ou de douze mois en cas de travail à mi-temps, voire un nombre de jours au prorata de la durée du travail effective, si celle-ci est inférieure à la moitié de la durée de travail normale maximale.

Les autres principales nouveautés seraient les suivantes :

- Le congé parental pourrait être pris jusqu’aux 12 ans de l’enfant concerné.

- Le droit au congé parental ne serait plus perdu lorsque celui-ci n’est pas pris consécutivement au congé de maternité ou au congé d’accueil.

- Le premier congé parental ne devrait plus obligatoirement être pris à la suite du congé de maternité ou du congé d’accueil mais pourrait être pris à tout moment avant le 12ème anniversaire de l’enfant.

- L’un des parents pourrait transférer en tout ou en partie le congé parental non pris à l’autre parent respectivement à l’un des grands-parents.

3. Détachement des salariés :

Deux projets de loi tendent à modifier/compléter les règles applicables en matière de détachement au Luxembourg. Ces projets de loi concernent les points majeurs suivants :

1) Dispense de déclaration pour certains détachement de courte durée : Selon le Projet de loi n°7319 4 , les obligations déclaratives en matière de détachement ne seraient plus applicables pour certains déplacements de courte durée. Il s’agit notamment du déplacement :

- de salariés qualifiés ou spécialisés de l'entreprise établie à l'étranger qui se rendent au Luxembourg pour effectuer des travaux d'entretien, de maintenance ou de réparation sur des machines, pour une durée de travaux n'excédant pas 5 jours de calendrier par mois ;

- de salariés de l'entreprise établie à l'étranger qui se rendent au Luxembourg en vue d'y exercer des activités en tant que formateur, conférencier ou orateur, ou bien en vue d'assister à des formations, à des conférences ou à des réunions de travail, à condition que ces activités ne dépassent pas 5 jours de calendrier par mois.

2) Transposition de la Directive (UE) 2018/957 du 28 juin 20185 en droit interne: Les principales nouveautés prévues par le Projet de loi n°7516 6 sont lui suivantes :

- Extension des dispositions impératives que doivent respecter les Etats membres qui détachent des salariés au Luxembourg aux :

  • Conditions d’hébergement du salarié lorsque l’employeur met à disposition un logement au salarié éloigné de son lieu de travail habituel.

  • Allocations ou remboursement de dépenses en vue de couvrir les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture encoures par le salarié éloigné de son domicile pour des raisons professionnelles.

- Elargissement du champ d’application des dispositions relatives au détachement, aux entreprises de travail intérimaire et aux entreprises qui mettent à disposition des salariés dans le cadre d’un prêt de main d’œuvre, qui sont établies à l’étranger, lorsque le salarié « utilisé » vient exercer une activité temporaire au Luxembourg pour les besoins d’une entreprise utilisatrice établie à l’étranger.

- De nouvelles informations sont à communiquer à l’Inspection du Travail et des Mines (ci-après, l’« ITM ») via la plateforme électronique prévue à cet effet, en vue de l’obtention du badge social, à savoir notamment :

  • la date prévue pour la fin du détachement ;

  • la nature des services ;

  • le lieu de résidence habituelle du salarié détaché et, le cas échéant, le lieu d’hébergement du salarié détaché lorsque l’employeur met à disposition un logement au salarié éloigné de son lieu de travail habituel ;

  • les données d’identification et l’adresse du maître d’ouvrage, du donneur d’ordre, de l’entreprise sous-traitante, de leurs cocontractants respectifs ainsi que de leurs représentants effectifs qui contractent avec l’employeur détachant ;

  • les modalités de prise en charge par l’employeur des dépenses de voyage, de logement ou de nourriture ;

  • le cas échéant, les données d’identification de l’entreprise utilisatrice et de son représentant effectif.

En outre, le Projet de loi prévoit que l’entreprise qui détache un salarié au Luxembourg devra communiquer à l’ITM via la plateforme électronique prévue à cet effet à compter du jour du commencement du détachement les documents supplémentaires suivants :

  • une copie du contrat de prestation de services conclu avec le maître d’ouvrage, le donneur d’ordre, l’entreprise sous-traitante, leurs cocontractants respectifs ainsi que, le cas échéant, une copie du contrat de mise à disposition ;

  • une copie du registre relatif à l’hébergement du salarié détaché ;

  • une copie du document reprenant les modalités de prise en charge par l’employeur des dépenses de voyage, de logement ou de nourriture, ainsi qu’une copie du document reprenant les montants de ces dépenses.

- Obligations additionnelles à charge de l’entreprise détachante lorsque le détachement sur le territoire luxembourgeois dépasse 12 mois. Notamment, lorsque l’exécution de la prestation le justifie, la durée pourrait être portée à 18 mois sur requête dûment motivée auprès de l’ITM via la plateforme électronique destinée à cet effet.

L’entreprise détachante serait également soumise à compter du 13ème mois du détachement, à toutes les dispositions législatives, réglementaires ou administratives ainsi qu’à celles résultant de conventions collectives déclarées d’obligations générale ou d’un accord en matière de travail et d’emploi, à l’exception de celles relatives :

  • aux procédures, formalités et conditions régissant la conclusion et la fin du contrat, y compris les clauses de non-concurrence ;

  • aux régimes complémentaires de pension.

4. Stages en entreprise des élèves et étudiants :

Le Projet de loi n°7265 7 entend introduire dans le Code du travail un nouveau chapitre relatif aux stages des élèves et étudiants. Les principales nouvelles dispositions en la matière seraient les suivantes :

- Pour les stages prévus par un établissement d’enseignement luxembourgeois ou étranger :

  • la durée serait limitée à 9 mois maximum sur une période de 12 mois, sauf si l’établissement ou le programme de formation prévoit expressément une durée plus longue. La durée du stage pourrait être fractionnée ;

  • la rémunération serait facultative sauf si l’établissement d’enseignement ou une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle la prévoit expressément.

- Pour les stages pratiques en vue de l’acquisition d’une expérience professionnelle :

la durée du stage ne pourrait pas dépasser 12 mois sur une période de 24 mois, sans pouvoir dépasser 6 mois auprès du même employeur ;

aucune rémunération ne serait due pour les stages pratiques ne dépassant pas un mois. Une rémunération minimale serait due :

  • pour les stages durant plus d’1 mois et moins de 3 mois : au moins un tiers du salaire social minimum pour salariés non qualifiés,

  • pour les stages dépassant 3 mois : au moins la moitié du salaire social minimum pour salariés non qualifiés.

Par ailleurs, le Projet de loi spécifie que le recours aux stages pour des remplacements de salariés absents ou pour faire face à des surcroîts de travail temporaires est expressément exclu.

Le nombre de stages en cours dans une même entreprise ne pourrait pas dépasser 10% de l’effectif, et serait en tout état de cause limité à 50 par entreprise. Le patron de stage devrait tenir un registre des stages consultable à tout moment par la délégation du personnel, et accessible à l’ITM sur simple demande.

Me Guy Castegnaro, Avocat à la Cour, Founder and Managing Partner et Eloïse Hullar, Juriste, Etude CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg


1 Proposition de loi n°7436 portant extension du cercle des bénéficiaires du congé pour raisons familiales aux grands-parents et modifiant le Code du travail. La proposition de loi a été déposée le 25 avril 2019.

2 Projet de loi n°7489 portant modification des articles L. 234-51, L. 234-52, L. 551-2, L. 552-1 du Code du travail. Le Projet de loi a été déposé le 10 octobre 2019.

3 Proposition de loi portant flexibilisation du congé parental et extension de l'exercice du congé parental aux grands-parents et modifiant 1. le Code du travail, 2. le Code de la Sécurité sociale, 3. la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et 4. la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux. La Proposition de loi a été déposée le 25 avril 2019.

4 Projet de loi n°7319 portant modification : 1. du Code du travail ; 2. de la loi du 21 décembre 2007 portant réforme de l'Inspection du travail et des mines. Le Projet de loi a été déposé le 26 juin 2018.

5 Directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.

6 Projet de loi n°7516 portant 1. transposition de la directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services ; 2. modification du Code du travail. Le Projet de loi a été déposé le 23 janvier 2020.

7 Projet de loi n°7265 portant : 1. introduction de stages pour élèves et étudiants ; 2. modification du Code du travail. Le Projet de loi a été déposé le 19 mars 2018.