Coronavirus et annulation du voyage : le droit au remboursement

Par Max MULLER, Head of Litigation et Giulio RICCI, Avocat, de l’étude KAUFHOLD & REVEILLAUD, Avocats.
2 juillet 2020 par
Emilie Clément

Nombreux sont ceux qui avaient planifié une virée bucolique en Bourgogne pendant les vacances de Pâques ou bien une escapade romantique à Prague en compagnie de sa nouvelle flamme pour le pont du 1er mai.

Des visions d’escapade, de soleil, d’une sieste détendu sur un hamac à l’Île Maurice enivraient déjà les esprits, alors qu’une pandémie inattendue s’est mise entre vous et votre besoin de liberté. Hélas, avec la propagation du COVID-19 nos rêves d’une plage exotique vont devoir attendre.

Le cœur brisé, les aspirants voyageurs n’ont guère de choix que de reporter leurs vacances ou même les annuler. Mais comment faire ?

Bien évidemment des cas spécifiques peuvent se présenter et l’étude succincte se concentrera sur les cas les plus fréquents.

Dans la majorité des cas, les autorités nationales ont été très réactives face au virus en adoptant des mesures restrictives de déplacement ainsi que la fermeture des frontières, ce qui a entrainé l’annulation des voyages directement par l’organisateur ou le transporteur.

A cet égard, compte tenu des conditions exceptionnelles créées par l’épidémie COVID-19 et face aux préoccupations remontées par de nombreux Etats membres, la Commission européenne a voulu préciser les droits des passagers voyageant par avion, chemin de fer, autobus, autocar ou bateau, ainsi que les obligations correspondantes incombant aux transporteurs.

Le 19 mars 2020, la Direction générale de la justice et des consommateurs (DG Justice) de la Commission Européenne a publié des lignes directrices afin de clarifier les garanties offertes aux passagers par le droit de l’Union européenne dans le contexte extraordinaire de propagation du COVID-19, notamment en ce qui concerne les voyages à forfait.

Ainsi, dans ce contexte tragique, la bonne nouvelle est qu’on devrait au moins avoir droit au remboursement. La Commission précise que les voyageurs peuvent demander le remboursement intégral en cas d’annulation par l’organisateur ou le transporteur.

Néanmoins, compte tenu des difficultés rencontrés par tous les acteurs du secteur touristique, la Commission exhorte les consommateurs à accepter des notes de crédit ou des bons de voyages (vouchers).

Les consommateurs sont ainsi invités à se montrer flexibles, notamment en négociant le report du voyage au même prix, si possible, sinon en acceptant un bon de voyage. Si pour des raisons personnelles particulières un report ne convient pas, il serait envisageable de prévenir votre organisateur de voyage.

En tout état de cause, les consommateurs plus déterminés peuvent désormais insister sur le remboursement intégral.

Un cas particulier est celui des voyages à forfait : depuis juillet 2018 le Luxembourg a mis à jour son Code de la consommation et permet au voyageur d’annuler son forfait à tout moment avant le départ. L’annulation est possible sous réserve du paiement d’une indemnité conformément aux conditions générales, compte tenu que ces frais doivent être raisonnables.

La situation change si un cas de force majeure tel que le virus COVID-19 se produit à destination.

Selon les dispositions de la loi en vigueur sur les voyages à forfait tant le voyageur que l’agent de voyages peuvent procéder à l’annulation sans pénalité si : « des circonstances exceptionnelles et inévitables survenant à la destination ou à proximité immédiate de celle-ci ont une incidence sensible sur l’exécution du forfait ou sur le transport des voyageurs jusqu’à la destination » (article L. 225-10 (2) du Code de la consommation).

En tout cas, lorsque l’organisateur du voyage est notamment empêché d’exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et qu’il notifie la résolution du contrat au voyageur dans les meilleurs délais, il peut résoudre le contrat en remboursant intégralement le voyageur, sans être tenu à une indemnisation supplémentaire (Directive (UE) 2015/2302 et Règlement européen (CE) 261/2004).

Selon la législation en vigueur, le voyageur a normalement le droit d’obtenir un remboursement complet du paiement dans un délai de 14 jours suivant la résiliation du contrat.

Il va de soi que les opérateurs du secteur touristique, confrontés à un volume d’annulations d’une ampleur jamais égalée et à des prises de commandes quasi nulles, sont en grande difficulté : cette situation impacte lourdement les liquidités à leur disposition. Des problèmes de trésorerie sont une des premières causes de cessation de paiement, une des conditions de l’état de faillite.

Dans telles conditions, le gouvernement luxembourgeois a décidé de « suspendre provisoirement les effets de la résiliation des contrats de voyages à forfait pendant l’état de crise pour permettre aux autorités de chercher une solution durable commune au niveau européen ».

À cet égard, il convient de souligner que cette mesure exceptionnelle ne concerne que les voyages à forfait et ne fait que reporter le remboursement dû aux clients à une date ultérieure.

Cette mesure vise à soutenir les entreprises du secteur en cette période de crise en sauvegardant leur trésorerie dans la mesure du possible, par dérogation notamment aux dispositions du Code de la consommation. Il s’agit d’une mesure légitime, étant donné que les Etats membres sont susceptibles d’adapter leurs règles nationales dans ce domaine.

Ainsi, les consommateurs qui ne souhaitent pas reporter leurs voyages pourraient devoir attendre plusieurs mois pour être remboursés. À noter que des assurances annulation souscrites à part ou alors incluses lors d’une réservation avec certaines cartes de crédit sont susceptibles de couvrir les risques.

Au demeurant, souvent les consommateurs n’auront malheureusement droit à aucun dédommagement supplémentaire.

Si l’organisateur annule le voyage en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, le consommateur devra être intégralement remboursé mais n’aura pas droit en plus à des dommages et intérêts.

En conclusion, il peut être préférable de se montrer prudent quant à l’acceptation de prestations ultérieures en échange des sommes avancées, car le risque de faillite due à la crise se multiplie au jour le jour. La faillite de Thomas Cook est encore dans tous les esprits, donc il ne faut pas forcément se fier à la réputation ou la notoriété d’un opérateur donné.

Une concertation avec l’avocat peut être utile pour évaluer les différentes options dont dispose le voyageur. Surtout dans le cadre de cas compliqués qui ne rentrent pas dans le champ des règles exposées avec applications de conventions internationales en présence de multiples compagnies aériennes, hôteliers et autres prestataires, le tout avec une application ou des interférences avec des droits étrangers, d’autres pistes devront être explorées.