Précisions de la CJUE concernant la période de référence à prendre en compte pour déterminer l’existence d’un licenciement collectif

Newsflash Castegnaro
11 novembre 2020 par
vanessa Icardi Serrami

Dans un arrêt du 11 novembre 2020 1 , la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a précisé sa jurisprudence relative aux licenciements collectifs, tels que définis par l’article 1er de la Directive 98/59 du 20 juillet 1998 2 (ci-après la « Directive »).

Selon cette définition, on entend par « licenciements collectifs », les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix des Etats membres:

- soit, pour une période de 30 jours : au moins égal à 10 dans les établissements employant plus de 20 et moins de 100 travailleurs ; au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant au moins 100 et moins de 300 travailleurs ; au moins égal à 30 dans les établissements employant au moins 300 travailleurs.

- soit, pour une période de 90 jours : au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés.

Dans l’affaire jugée par la CJUE, une salariée avait saisi les juridictions espagnoles pour demander la nullité de son licenciement individuel notifié le 31 mai 2018, au motif que ce licenciement relevait en réalité d’un licenciement collectif caché.

Les juridictions nationales, après avoir constaté qu’entre 30 et 35 salariés avaient été licenciés entre le 31 mai 2018, date du licenciement contesté, et le 15 août 2018, date à laquelle l’employeur avait intégralement cessé ses activités, ont considéré que la situation pouvait être qualifiée de licenciement collectif.

Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour Suprême Espagnole, la période de référence visée par la Directive (90 jours selon le droit espagnol) doit être calculée en se référant exclusivement à la période précédant la date du licenciement contesté. Les cessations de travail postérieures au licenciement contesté peuvent, quant à elles, être prises en compte uniquement lorsque l’employeur agit frauduleusement, concrètement lorsqu’il tente d’éviter la consultation des représentants du personnel.

La juridiction de renvoi espagnole ayant un doute quant à la conformité de cette jurisprudence avec la Directive, a saisi la CJUE de la question préjudicielle suivante : afin d’apprécier si un licenciement individuel contesté fait partie d’un licenciement collectif, la période de référence de 30 ou 90 jours prévue par la Directive doit - elle être calculée en prenant en compte :

- exclusivement une période antérieure au licenciement individuel contesté ? ou,

- également une période postérieure audit licenciement, en présence comme en l’absence de fraude ? ou,

- toute période de 30 ou 90 jours au cours de laquelle le licenciement contesté est intervenu ?

Selon la CJUE, ni la première ni la seconde méthode n’est conforme à la Directive. En effet, cette dernière ne mentionne aucune limite temporelle exclusivement antérieure ou postérieure au licenciement contesté pour calculer le nombre de licenciements intervenus. Surtout, ces deux méthodes restreignent les droits des salariés concernés, en empêchant de prendre en compte des licenciements intervenus dans une période de 30 ou 90 jours, mais en dehors de cette période antérieure ou postérieure, même si le nombre total de licenciements dépasse bien les seuils requis.

La finalité de la Directive étant le renforcement de la protections des travailleurs en cas de licenciements collectifs, son plein effet serait limité si les juges nationaux ne pouvaient pas tenir compte de licenciements intervenus avant ou après la date du licenciement individuel contesté pour apprécier si, oui ou non, ce licenciement relève d’un licenciement collectif.

Pour la CJUE, seule la troisième méthode envisagée par la juridiction espagnole pour déterminer si le nombre de licenciements requis avait été atteint dans l’affaire en cause, est conforme à la finalité de la Directive.

Par conséquent, après avoir précisé que la période de référence de 30 ou 90 jours doit être une période continue, la CJUE a formulé la réponse suivante : pour apprécier si un licenciement individuel contesté fait partie d’un licenciement collectif, la période de référence prévue pour déterminer l’existence d’un licenciement collectif doit être calculée en prenant en compte toute période de 30 ou de 90 jours consécutifs :

- au cours de laquelle le licenciement individuel contesté est intervenu, et

- pendant laquelle s’est produit le plus grand nombre de licenciements effectués par l’employeur pour un ou plusieurs motifs non-inhérents à la personne du salarié.


1 CJUE Aff. C-300/19 du 11 novembre 2020

2 Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs.